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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/492

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nouveaux essais sur l’entendement

démonstration tirée de la liaison des idées. C’est aussi comme Noé avait une connaissance plus certaine du déluge que celle que nous en acquérons par le livre de Moyse ; et comme l’assurance de celui qui a vu que Moyse l’écrivait actuellement et qu’il faisait les miracles qui justifient son inspiration était plus grande que la nôtre. § 5. C’est ce qui fait que la révélation ne peut aller contre une claire évidence de raison, parce que, lors même que la révélation est immédiate et originelle, il faut savoir avec évidence que nous ne nous trompons point en l’attribuant à Dieu et que nous en comprenons le sens ; et cette évidence ne peut jamais être plus grande que celle de notre connaissance intuitive ; et, par conséquent, nulle proposition ne saurait être reçue pour révélation divine lorsqu’elle est opposée contradictoirement à cette connaissance immédiate. Autrement, il ne resterait plus de différence dans le monde entre la vérité et la fausseté, nulle mesure du croyable et de l’incroyable. Et il n’est point convenable qu’une chose vienne de Dieu, ce bienfaisant auteur de notre être, laquelle étant reçue pour véritable doit renverser les fondements de nos connaissances et rendre toutes nos facultés inutiles. § 6. Et ceux qui n’ont la révélation que médiatement ou par tradition de bouche en bouche, ou par écrit, ont encore plus besoin de la raison pour s’en assurer. § 7. Cependant, il est toujours vrai que les choses qui sont au delà de ce que nos facultés naturelles peuvent découvrir sont les propres matières de la foi comme la chute des anges rebelles, la ressuscitation des morts. § 9. G°est là où il faut écouter uniquement la révélation. Et même à l’égard des propositions probables, une révélation évidente nous déterminera contre la probabilité.

Th. Si vous ne prenez la foi que pour ce qui est fondé dans des motifs de crédibilité (comme on les appelle), et la détachez de la grâce interne qui y détermine l’esprit immédiatement, tout ce que vous dites, Monsieur, est incontestable. Il faut avouer qu’il y a bien des jugements plus évidents que ceux qui dépendent de ces motifs. Les uns y sont plus avancés que les autres, et même il y a quantité de personnes qui ne les ont jamais connus et encore moins pesés, et qui par conséquent n’ont pas même ce qui pourrait passer pour un motif de probabilité. Mais la grâce interne du Saint-Esprit y supplée immédiatement ; d’une manière surnaturelle, et c’est ce qui fait ce que les théologiens appellent proprement une foi divine. Il est vrai que Dieu ne la donne jamais que lorsque ce qu’il faut croire est