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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/504

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d’intelligence[1] et agissent de concert : rien ne serait plus capable de rendre le genre humain meilleur et plus heureux ; mais il faudrait qu’ils fussent eux-mêmes véritablement du nombre des gens de bien, c’est-à-dire bienfaisants, et, de plus, dociles et raisonnables, au lieu qu’on n’accuse que trop ceux qu’on appelle dévots aujourd’hui d’être durs, impérieux, entêtés. Leurs dissensions font paraître au moins que leur témoignage interne a besoin d’une vérification externe pour être cru, et il leur faudrait des miracles pour avoir droit de passer pour prophètes et inspirés. Il y aurait pourtant un cas, où ces inspirations porteraient leurs preuves avec elles. Ce serait si elles éclairaient véritablement l’esprit par des découvertes importantes de quelque connaissance extraordinaire, qui seraient au-dessus des forces de la personne, qui les aurait acquises sans aucun secours externe. Si Jacob Boehme, fameux cordonnier de la Lusace, dont les écrits ont été traduits de l’allemand en d’autres langues sous le nom de Philosophe Teutonique, et ont, en effet, quelque chose de grand et de beau pour un homme de cette condition, avait su faire de l’or, comme quelques-uns se le persuadent, ou comme fit saint Jean l’Évangéliste si nous en croyons ce que dit un hymne fait à son honneur :

« lnexhaustum fert thésaurus

Qui de virgis fecit aurum,

Gemmas de lapidibus. »

on aurait eu quelque lieu de donner plus de créance à ce cordonnier extraordinaire. Et si Mlle Antoinette Bourignon avait fourni à Bertrand La Coste[2], ingénieur français à Hambourg, la lumière dans les sciences qu’il crut avoir reçue d’elle, comme il le marque en lui dédiant son livre de la quadrature du cercle (où, faisant allusion à Antoinette et Bertrand, il l’appelait l’A en théologie, comme il se disait être lui-même B en mathématiques), on n’aurait su que dire. Mais on ne voit pas d’exemples d’un succès considérable de cette nature, non plus que des prédictions très circonstanciées qui aient réussi à de telles gens. Les prophéties de Poniatovia[3], de Drabitius et d’autres, que le bonhomme Comenius[4] publia dans son Lux in tenebris et qui con-

  1. Gehrardt, De l’intelligence.
  2. La Coste, (Bertrand), ingénieur français du XVIIe siècle siècle. A laissé deux ouvrages : Schola inventa quadratura circuli, 1663, et Démonstrations de la quadrature du cercle, 1666.
  3. Poniatovia, (Christine), 1610-44, célèbre enthousiaste polonaise.
  4. Comenius (Jean-Amos), né en 1592 en Moravie, appartenant à la secte des