Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/532

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qu’on ne peut douter raisonnablement que ce ne soit la véritable Église[1]. Ne vaudrait-il pas mieux qu’il laissât là ces spéculations métaphysiques qui ne peuvent être d’aucune utilité ni à lui ni aux autres, pour s’appliquer sérieusement à la plus grande affaire qu’il puisse jamais avoir, qui est d’assurer son salut en rentrant dans l’Église, dont les nouvelles sectes n’ont pu sortir qu’en se rendant schismatiques ? Je lus hier par rencontre une lettre de saint Augustin, où il résout diverses questions qu’avait proposées un payen qui témoignait se vouloir faire chrétien, mais qui différait toujours de le faire. Et il dit à la fin, ce qu’on pourrait appliquer à notre ami : « Sunt innumerabiles questionnes, quaenon sunt finiendæ ante fidem, ne finiatur vita sine fide. »

Leibniz au Landgrave.

12 avril 1686.

Je ne sais que dire de la lettre de M. A., et je n’aurais jamais cru qu’une personne dont la réputation est si grande et si véritable, et dont nous avons de si belles réflexions de morale et de logique, irait si vite dans ses jugements. Après cela je ne m’étonne plus si quelques-uns se sont emportés contre lui. Cependant je tiens qu’il faut souffrir quelquefois la mauvaise humeur d’une personne dont le mérite est extraordinaire, pourvu que son procédé ne tire point à conséquence, et qu’un retour d’équité dissipe les fantasmes d’une prévention mal fondée. J’attends cette justice de M. Arnaud. Et cependant, quelque sujet que j’aie de me plaindre, je veux supprimer toutes les réflexions qui ne sont pas essentielles à la matière et qui pourraient aigrir, mais j’espère qu’il en usera de même, s’il a la bonté de m’instruire. Je le puis assurer seulement que certaines conjectures qu’il fait sont fort différentes de ce qui est en effet, que quelques personnes de bon sens ont fait un autre jugement, et que nonobstant leur applaudissement je ne me presse pas trop à publier quelque chose sur des matières abstraites, qui sont au goût de peu de gens, puisque le public n’a presque rien encore appris depuis plusieurs années de quelques découvertes plus plausibles que j’ai. Je n’avais mis ces méditations par écrit que pour profiter en mon particulier des jugements de quelques personnes habiles et pour me confirmer ou corriger dans la recherche ou connaissance des plus

  1. Leibniz a mis en marge : « Je n’ai jamais approuvé ce sentiment. »