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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/542

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vous blesser. Mais j’appréhende d’une autre part que ce fût n’avoir pas assez bonne opinion de votre équité. Je vous dirai donc simplement les difficultés que j’ai encore sur cette proposition : « La notion individuelle de chaque personne enferme une fois pour toutes ce qui lui arrivera à jamais.

Il m’a semblé qu’il s’ensuivait de là que la notion individuelle d’Adam a enfermé qu’il aurait tant d’enfants, et la notion individuelle de chacun de ses enfants tout ce qu’ils feraient, et tous les enfants qu’ils auraient, et ainsi de suite : d’où j’ai cru que l’on pourrait inférer que Dieu a été libre de créer ou de ne pas créer Adam ; mais que, supposant qu’il l’ait voulu créer, tout ce qui est arrivé depuis au genre humain a dû et doit arriver par une nécessité fatale ; ou au moins qu’il n’y a pas plus de liberté à Dieu à l’égard de tout cela, supposé qu’il ait voulu créer Adam, que de ne pas créer une nature capable de penser, supposé qu’il ait voulu me créer.

Il ne me paraît pas, Monsieur, qu’en parlant ainsi j’aie confondu necessitatem ex hypothesi avec la nécessité absolue. Car je n’y parle jamais, au contraire, que de la nécessité ex hypothesi. Mais je trouve seulement étrange que tous les événements humains soient aussi nécessaires necessitate ex hypothesi de cette seule supposition que Dieu a voulu créer Adam, qu’il est nécessaire necessitate ex hypothesi qu’il y a eu dans le monde une nature capable de penser de cela seul qu’il m’a voulu créer.

Vous dites sur cela diverses choses de Dieu, qui ne me paraissent pas suffire pour résoudre ma difficulté.

1. « Qu’on a toujours distingué entre ce que Dieu est libre de faire absolument, et entre ce qu’il s’est obligé de faire en vertu de certaines résolutions déjà prises. » Cela est certain.

2. « Qu’il est peu digne de Dieu de le concevoir (sous prétexte de maintenir sa liberté) à la façon des Sociniens, et comme un homme qui prend des résolutions selon les occurrences. » Cette pensée est très folle : j’en demeure d’accord.

3. « Qu’il ne faut pas détacher les volontés de Dieu qui pourtant ont du rapport ensemble. Et qu’ainsi il ne faut pas considérer la volonté de Dieu de créer un tel Adam, détachée de tous les autres qu’il a a l’égard des enfants d’Adam et de tout le genre humain. » C’est aussi de quoi je conviens. Mais je ne vois pas encore que cela puisse servir a résoudre ma difficulté.

Car : 1. j’avoue de bonne foi que je n’ai pas compris que par la