individuelle. Car, puisque j’ai l’idée d’une substance individuelle, c’est-à-dire celle de moi, c’est là qu’il vous parait qu’on doit chercher ce qu’on doit dire d’une notion individuelle, et non pas dans la manière dont Dieu conçoit les individus. El comme je n’ai qu’à consulter la notion spécifique d’une sphère pour juger que le nombre des pieds du diamètre n’est pas déterminé par cette notion, de même (dites-vous) je trouve clairement dans la notion individuelle que j’ai de moi que je serai moi, soit que je fasse ou que je ne fasse pas le voyage que j’ai projeté.
Pour y répondre distinctement je demeure d’accord que la connexion des événements, quoiqu’elle soit certaine, n’est pas nécessaire, et qu’il m’est libre de faire ou de ne pas faire ce voyage, car quoiqu’il soit enfermé dans ma notion que je le ferai, il y est enfermé aussi que je le ferai librement. Et il n’y a rien en moi de tout ce qui se peut concevoir sub ratione generatitatis seu essentiæ, seu notionis specificæ sive incompletæ, dont on puisse tirer que je le ferai nécessairement, au lieu que de ce que je suis homme on peut conclure que je suis capable de penser ; et par conséquent, si je ne fais pas ce voyage, cela ne combattra aucune vérité éternelle ou nécessaire. Cependant, puisqu’il est certain que je le ferai, il faut bien qu’il y ait quelque connexion entre moi, qui suis le sujet, et l’exécution du voyage, qui est le prédicat, semper enim notio prædicati inest subjecto in propositione vera. Il y aurait donc une fausseté, si je ne le faisais pas, qui détruirait ma notion individuelle ou complète, ou ce que Dieu conçoit ou concevait de moi avant même que de résoudre de me créer : car cette notion enveloppe sub ratione possibilitatis les existences ou vérités de fait ou décrets de Dieu, dont les faits dépendent.
Je demeure d’accord aussi que, pour juger de la notion d’une substance individuelle, il est bon de consulter celle que j’ai de moi-même, comme il faut consulter la notion spécifique de la sphère pour juger de ses propriétés ; quoiqu’il y ait bien de la différence. Car la notion de moi en particulier et de toute autre substance individuelle est infiniment plus étendue et plus difficile à comprendre qu’une notion spécifique comme est celle de la sphère, qui n’est qu’incomplète et n’enferme pas toutes les circonstances nécessaires en pratique pour venir à une certaine sphère. Ce n’est pas assez pour entendre ce que c’est que moi, que je me sente une substance qui pense, il faudrait concevoir distinctement ce qui me discerne de