elle. Il n’y a donc que l’hypothèse de la concomitance ou de l’accord des substances entre elles, qui explique tout d’une manière convenable et digne de Dieu, et qui même est démonstrative et inévitable, à mon avis, selon la proposition que nous venons d’établir. Il me semble aussi qu’elle s’accorde bien davantage avec la liberté des créatures raisonnables que l’hypothèse des impressions ou celle des causes occasionnelles. Dieu a créé d’abord l’âme de telle sorte que pour l’ordinaire il n’a besoin de ces changements ; et ce qui arrive à l’âme qui naît de son propre fond, sans qu’elle se doive accommoder au corps dans la suite, non plus que le corps à l’âme. Chacun suivant ses lois, et l’un agissant librement, l’autre sans choix, se rencontre avec l’autre dans les mêmes phénomènes. L’âme cependant ne laisse pas d’être la forme de son corps, parce qu’elle exprime les phénomènes de tous les autres corps suivant le rapport au sien.
On sera peut-être plus surpris que je nie l’action d’une substance corporelle sur l’autre qui semble pourtant si claire. Mais, outre que d’autres l’ont déjà fait, il faut considérer que c’est plutôt un jeu de l’imagination qu’une conception distincte. Si le corps est une substance et non pas un simple phénomène comme l’arc-en-ciel, ni un être uni par accident ou par agrégation comme un tas de pierres, il ne saurait consister dans l’étendue, et il y faut nécessairement concevoir quelque chose qu’on appelle forme substantielle et qui répond en quelque façon à l’âme. J’en ai enfin convaincu comme malgré moi, après en avoir été assez éloigné autrefois. Cependant, quelque approbateur des scolastiques que je sois dans cette explication générale et pour ainsi dire métaphysique des principes des corps, je suis aussi corpusculaire qu’on le saurait être dans l’explication des phénomènes particuliers, et ce n’est rien dire que d’y alléguer les formes ou les qualités. Il faut toujours expliquer la nature mathématiquement et mécaniquement, pourvu qu’on sache que les principes mêmes ou les lois de mécanique ou de la force ne dépendent pas de la seule étendue mathématique, mais de quelques raisons métaphysiques.
Après tout cela, je crois que maintenant les propositions contenues dans l’abrégé qui vous a été envoyé, Monsieur, paraîtront non seulement plus intelligibles, mais peut-être encore plus solides et plus importantes qu’on n’avait pu juger d’abord.