tion principale et perpétuelle de notre âme. Nous penserons toujours, mais nous ne vivrons pas toujours ici. C’est pourquoi ce qui nous rend plus capables de penser aux plus parfaits objets et d’une manière plus parfaite, c’est ce qui nous perfectionne naturellement. Cependant l’état présent de notre vie nous oblige à quantité de pensées confuses qui ne nous rendent pas plus parfaits. Telle est la connaissance des coutumes, des généalogies, des langues, et même toute connaissance historique des faits tant civils que naturels, qui nous est utile pour éviter les dangers et pour manier les corps et les hommes qui nous environnent, mais qui n’éclaire pas l’esprit. La connaissance des routes est utile à un voyageur pendant qu’il voyage ; mais ce qui a plus de rapport aux fonctions où il sera destiné in patria lui est plus important. Or nous sommes destinés à vivre un jour une vie spirituelle, où les substances séparées de la matière nous occuperont bien plus que les corps. Mais pour mieux distinguer entre ce qui éclaire l’esprit, de ce qui le conduit seulement en aveugle, voici des exemples tirés des arts : si quelque ouvrier sait par expérience ou par tradition que, le diamètre étant de 7 pieds, la circonférence du cercle est un peu moins que de 22 pieds ; ou si un canonnier sait par ouï-dire ou pour l’avoir mesuré souvent, que les corps sont jetés le plus loin par un angle de 45 degrés, c’est le savoir confusément et en artisan, qui s’en servira fort bien pour gagner sa vie et pour rendre service aux autres ; mais les connaissances qui éclairent notre esprit, ce sont celles qui sont distinctes, c’est-à-dire qui soutiennent les causes ou raisons, comme lorsque Archimède a donné la démonstration de la première règle et Galilée de la seconde ; et en un mot, c’est la seule connaissance des raisons en elles-mêmes ou des vérités nécessaires et éternelles, surtout de celles qui sont le plus compréhensives et qui ont le plus de rapport au souverain être qui nous peuvent perfectionner. Cette connaissance seule est bonne par elle-même ; tout le reste est mercenaire, et ne doit être appris que par nécessité, à…[1] des besoins de cette vie et pour être d’autant mieux en état de vaquer par après à la perfection de l’esprit, quand on a mis ordre à sa subsistance. Cependant le dérèglement des hommes et ce qu’on appelle le soin de pane lucrando, et aussi la vanité fait qu’on oublie le seigneur pour le valet et la fin pour les moyens. C’est justement selon le poète : propter vitam
- ↑ Mot illisible. Gehrardt donne : à cause.