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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/618

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formes substantielles, pour donner une vraie unité aux corps, qui n’en auraient point sans cela.

3° Vous n’admettez ces formes substantielles que dans les corps animés. Or il n’y a point de corps animé qui ne soit organisé, ni de corps organisé qui ne soit plura entia. Donc, bien loin que vos formes substantielles fassent que les corps auxquels ils sont joints ne soient pas plura entia, qu’il faut qu’ils soient plura entia afin qu’ils y soient joints.

4° Je n’ai aucune idée claire de ces formes substantielles ou âmes des brutes. Il faut que vous les regardiez comme des substances, puisque vous les appelez substantielles, et que vous dites qu’il n’y a que les substances qui soient des êtres véritablement réels, entre lesquels vous mettez principalement ces formes substantielles. Or je ne connais que deux sortes de substances, les corps et les esprits ; et c’est à ceux qui prétendraient qu’il y en a d’autres à nous le montrer, selon la maxime par laquelle vous concluez votre lettre, « qu’on ne doit rien assurer sans fondement ». Supposant donc que ces formes substantielles sont des corps ou des esprits, si ce sont des corps, elles doivent être étendues, et par conséquent divisibles, et divisibles à l’infini ; d’où il s’ensuit qu’elles ne sont point unum ens, mais plura entia, aussi bien que les corps qu’elles animent, et qu’ainsi elles n’auront garde de leur pouvoir donner une vraie unité. Que si ce sont des esprits, leur essence sera de penser ; car c’est ce que je conçois par le mot d’esprit. Or j’ai peine à comprendre qu’une huître pense, qu’un ver pense. Et de plus, comme vous témoignez dans cette lettre que vous n’êtes pas assuré que les plantes n’ont point d’âme, ni vie, ni forme substantielle, il faudrait aussi que vous ne fussiez pas assuré si les plantes ne pensent point, puisque leur forme substantielle, si elles en avaient, n’étant point un corps parce qu’elle ne serait point étendue, devrait être un esprit, c’est-à-dire une substance qui pense.

5° L’indestructibilité de ces formes substantielles ou âmes des brutes me paraît encore plus insoutenable. Je vous avais demandé ce que devenaient ces âmes des brutes lorsqu’elles meurent ou qu’on les tue ; lors par exemple que l’on brûle des chenilles, ce que devenaient leurs âmes. Vous me répondez que « elle demeure dans une petite partie encore vivante du corps de chaque chenille, qui sera toujours autant petite qu’il le faut pour être à couvert de l’action du feu qui déchire ou qui dissipe les corps de ces chenilles ».