Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/633

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n’est pas si aisé de le rendre croyable par des expériences particulières comme à l’égard de la génération, mais on en voit la raison : c’est parce que la génération avance d’une manière naturelle et peu à peu, ce qui nous donne le loisir de l’observer, mais la mort mène trop en arrière, per saltum, et retourne d’abord à des parties trop petites pour nous, parce qu’elle se fait ordinairement d’une manière trop violente, ce qui nous empêche de nous apercevoir du détail de cette rétrogradation ; cependant le sommeil, qui est une image de la mort, les extases, l’ensevelissement d’un ver à soie dans sa coque, qui peut passer pour une mort, la ressuscitation des mouches noyées avancée par le moyen de quelque poudre sèche dont on les couvre (au lieu qu’elles demeureraient inertes tout de bon, si on les laissait sans secours), et celles des hirondelles qui prennent leurs quartiers d’hiver dans les roseaux et qu’on trouve sans apparence de vie ; les expériences des hommes morts de froid, noyés ou étranglés, qu’on a fait revenir, sur quoi un homme de jugement a fait il n’y a pas longtemps un traité en allemand, où après avoir rapporté des exemples, même de sa connaissance, il exhorte ceux qui se trouvent là où il y a de telles personnes, de faire plus d’efforts que de coutume pour les remettre, et en prescrit la méthode ; toutes ces choses peuvent confirmer mon sentiment que ces états différents ne diffèrent que du plus et du moins, et si on n’a pas le moyen de pratiquer des ressusciterions en d’autres genres de morts, c’est ou qu’on ne sait pas ce qu’il faudrait faire, ou que, quand on le saurait, nos mains, nos instruments et nos remèdes n’y peuvent arriver, surtout quand la dissolution va d’abord à des parties trop petites. Il ne faut donc pas s’arrêter aux notions que le vulgaire peut avoir de la mort ou de la vie, lorsqu’on a et des analogies et, qui plus est, des arguments solides, qui prouvent le contraire. Car je crois avoir assez fait voir qu’il y doit avoir des entéléchies s’il y a des substances corporelles ; et quand on accorde ces entéléchies ou ces âmes, on en doit reconnaître l’ingénérabilité et indestructibilité ; après quoi, il est sans comparaison plus raisonnable de concevoir les transformations des corps animés que de s’imaginer le passage des âmes d’un corps à l’autre, dont la persuasion très ancienne ne vient apparemment que de la transformation mal entendue. De dire que les âmes des bêtes demeurent sans corps, ou qu’elles demeurent cachées dans un corps qui n’est pas organisé, tout cela ne paraît pas si naturel. Si l’animal fait par la contraction du corps du bélier qu’Abraham