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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/645

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substance à proprement parler. Il faut, par conséquent, que partout dans le corps il se trouve des substances indivisibles, ingénérables et incorruptibles, ayant quelque chose de répondant aux âmes. Que toutes ces substances ont toujours été et seront toujours unies à des corps organiques diversement transformables. Que chacune de ces substances contient dans sa nature « legem continuationis seriei suarum operationum », et tout ce qui lui est arrivé et arrivera. Que toutes ses actions viennent de son propre fond, excepté la dépendance de Dieu. Que chaque substance exprime l’univers tout entier, mais l’une plus distinctement que l’autre, surtout chacune à l’égard de certaines choses et selon son point de vue. Que l’union de l’âme avec le corps, et même l’opération d’une substance sur l’autre, ne consiste que dans ce parfait accord mutuel établi exprès par l’ordre de la première création, en vertu duquel chaque substance, suivant ses propres lois, se rencontre dans ce que demandent les autres ; et les opérations de l’une suivent ou accompagnent ainsi l’opération ou le changement de l’autre. Que les intelligences ou âmes capables de réflexion et de la connaissance des vérités éternelles et de Dieu ont bien des privilèges qui les exemptent des révolutions des corps. Que pour elles il faut joindre les lois morales aux physiques. Que toutes les choses sont faites pour elles principalement. Qu’elles forment ensemble la république de l’univers, dont Dieu est le monarque. Qu’il y a une parfaite justice et police observée dans cette cité de Dieu, et qu’il n’y a point de mauvaise action sans châtiment, ni de bonne sans une récompense proportionnée. Que plus on connaîtra les choses, plus on les trouvera belles et conformes aux souhaits qu’un sage pourrait former. Qu’il faut toujours être content de l’ordre du passé, parce qu’il est conforme à la volonté de Dieu absolue, qu’on connaît par l’événement ; mais qu’il faut tâcher de rendre l’avenir, autant qu’il dépend de nous, conforme à la volonté de Dieu présomptive ou à ses commandements, orner notre Sparte et travailler à faire du bien, sans se chagriner pourtant lorsque le succès y manque, dans la ferme créance que Dieu saura trouver le temps le plus propre aux changements en mieux. Que ceux qui ne sont pas contents de l’ordre des choses ne sauraient se vanter d’aimer Dieu comme il faut. Que la justice n’est autre chose que la charité du sage. Que la charité est une bienveillance universelle, dont le sage dispense l’exécution conformément aux mesures de la raison, afin d’obtenir le plus grand bien.