Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/685

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bien que mauvaises, pourra être d’y faire toujours prendre garde par un habile ouvrier qui les mette d’accord à tous moments, et c’est ce que j’appelle la voie d’assistance.

Enfin la troisième manière sera de faire d’abord ces deux pendules avec tant d’art et de justesse qu’on se puisse assurer de leur accord dans la suite ; et c’est la voie du consentement préétabli.

Mettez maintenant l’âme et le corps à la place de ces deux horloges. Leur accord ou sympathie arrivera aussi par une de ces trois façons. La voie de l’influence est celle de la philosophie vulgaire ; mais, comme on, ne saurait concevoir des particules matérielles ni des espèces ou qualités immatérielles qui puissent passer de l’une de ces substances dans l’autre, on est oblige d’abandonner ce sentiment. La voie de l’assistance est celle du système des causes occasionnelles ; mais je tiens que c’est faire venir Deus ex machina dans une chose naturelle et ordinaire, où selon la raison il ne doit intervenir que de la manière dont il concourt à toutes les autres choses de la nature. Ainsi il ne reste que mon hypothèse, c’est-à-dire que la voie de l’harmonie préétablie par un artifice divin prévenant, lequel dès le commencement a formé chacune de ces substances d’une manière si parfaite, si réglée avec tant d’exactitude qu’en ne suivant que ses propres lois qu’elles a reçues avec son être elle s’accorde pourtant avec l’autre ; tout comme s’il y avait une influence mutuelle, ou comme si Dieu y mettait toujours la main au delà de son concours général.

Après cela, je ne crois pas que j’aie besoin de rien prouver, si ce n’est qu’on veuille que je prouve que Dieu a tout ce qu’il faut pour se servir de cet artifice prévenant dont nous voyons même des échantillons parmi les hommes, à mesure qu’ils sont habiles gens. Et, supposé qu’il le puisse, on voit bien que c’est la plus belle voie et la plus digne de lui. Il est vrai que j’en ai encore d’autres preuves mais elles sont plus profondes, et il n’est pas nécessaire de les alléguer ici[1].

Pour dire un mot sur la dispute entre deux personnes fort habiles, qui sont l’auteur des Principes de physique publiés depuis peu, et l’auteur des Objections (mises dans le journal du 13 d’août et ailleurs) parce que mon hypothèse sert à terminer ces controverses, je ne

  1. Nous supprimons ici deux alinéas qui n’ont aucun rapport avec le problème de la communication des substances, et qui portent sur des problèmes exclusivement mathématiques proposés par Bernouill.