18. On peut même dire que dès à présent l’amour de Dieu nous fait jouir d’un avant-goût de la félicité future. Et quoiqu’il soit désintéressé, il fait par lui-même notre plus grand bien et intérêt, quand même on ne l’y chercherait pas, et quand on ne considérerait que le plaisir qu’il donne, sans avoir égard à l’utilité qu’il produit ; car il nous donne une parfaite confiance dans la bonté de notre auteur et maître, laquelle produit une véritable tranquillité de l’esprit ; non pas comme les stoïciens résolus à une patience par force, mais par un contentement présent, qui nous assure même un bonheur futur. Et, outre le plaisir présent, rien ne saurait être plus utile pour l’avenir, car l’amour de Dieu remplit encore nos espérances, et nous mène dans le chemin du suprême bonheur, parce qu’en vertu du parfait ordre établi dans l’univers, tout est fait le mieux qu’il est possible, tant pour le bien général qu’encore pour le plus grand bien particulier de ceux qui en sont persuadés, et qui sont contents du divin gouvernement ; ce qui ne saurait manquer dans ceux qui savent aimer la source de tout bien. Il est vrai que la suprême félicité, de quelque vision béatifique, ou connaissance de Dieu, qu’elle soit accompagnée, ne saurait jamais être pleine ; parce que Dieu étant infini, ne saurait être connu entièrement.
Ainsi notre bonheur ne consistera jamais et ne doit point consister dans une pleine jouissance, où il n’y aurait plus rien à désirer et qui rendrait notre esprit stupide ; mais dans un progrès perpétuel à de nouveaux plaisirs et de nouvelles perfections.