la prescience des contingents futurs, et la providence qui règle et gouverne les choses en détail.
6. Mais ni cette prescience, ni cette préordination ne dérogent point à la liberté. Car Dieu, porté par la suprême raison à choisir entre plusieurs suites de choses ou mondes possibles, celui où les créatures libres prendraient telles ou telles résolutions, quoique non sans son concours, a rendu par là tout événement certain et déterminé une fois pour toutes sans déroger par là à la liberté de ces créatures ; ce simple décret du choix, ne changeant point, mais actualisant seulement leurs natures qu’il y voyait dans ses idées.
7. Et quant à la nécessité morale, elle ne déroge point non plus à la liberté. Car, lorsque le Sage et surtout Dieu, le sage souverain, choisit le meilleur, il n’en est pas moins libre ; au contraire, c’est la plus parfaite liberté de n’être point empêche d’agir le mieux. Et lorsqu’un autre choisit selon le bien le plus apparent et le plus inclinant, il imite en cela la liberté du Sage à proportion de sa disposition ; et sans cela, le choix serait un hasard aveugle.
8. Mais le bien, tant vrai qu’apparent, en un mot le motif, incline sans nécessité, c’est-à-dire sans imposer une nécessité absolue. Car lorsque Dieu, par exemple, choisit le meilleur, ce qu’il ne choisit point, et qui est inférieur en perfection, ne laisse pas d’être possible. Mais si ce que Dieu choisit était absolument nécessaire, tout autre parti serait impossible contre l’hypothèse, car Dieu choisit parmi les possibles, c’est-à-dire parmi plusieurs partis dont pas un n’implique contradiction.
9. Mais de dire que Dieu ne peut choisir que le meilleur, et d’en vouloir inférer que ce qu’il ne choisit point est impossible, c’est confondre les termes, la puissance et la volonté, la nécessité métaphysique et la nécessité morale, les essences et les existences. Car ce qui est nécessaire l’est par son essence, puisque l’opposé implique contradiction ; mais le contingent qui existe doit son existence au principe du meilleur, raison suffisante des choses. Et c’est pour cela que je dis que les motifs inclinent sans nécessité et qu’il y a une certitude et infaillibilité, mais non pas une nécessité absolue dans les choses contingentes. Joignez à ceci ce qui se dira plus bas, Num. 73 et 76.
10. Et j’ai assez montré dans ma Théodicée que cette nécessité morale est heureuse, conforme à la perfection divine ; conforme au grand principe des existences, qui est celui du besoin d’une raison