Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/109

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comment Dieu pouvait- avoir une science certaine des futurs contingents, avaient introduit les prédéterminations comme nécessaires aux actions libres.

40 Pour lui, il a cru avoir trouvé un autre moyen. Il considère qu’il y a trois objets de la science divine, les possibles, les événements actuels, et les événements conditionnels qui arriveraient en conséquence d’une certaine condition, si elle était réduite en acte. La science des possibilités est ce qui s’appelle la science de simple intelligence ; celle des événements qui arrivent actuellement dans la suite de l’univers, est appelée la science de vision. Et comme il y a une espèce de milieu entre le simple possible et l’événement pur et absolu, savoir l’événement conditionnel, on pourra dire aussi, selon Molina, qu’il y a une science moyenne entre celle de la vision et celle de l4intelligence. On en apporte le fameux exemple de David qui demande à l’oracle divin si les habitants de la ville de Kégila, où il avait dessein de se renfermer, le livreraient à Saül, en cas que Saül assiégeât la ville : Dieu répondit que oui, et là-dessus David prit un autre parti. Or, quelques défenseurs de cette science considèrent que Dieu, prévoyant ce que les hommes feraient librement, en cas qu’ils fussent mis en telles ou telles circonstances, et sachant qu’ils useraient mal de leur libre arbitre, il décerne de leur refuser des grâces et des circonstances favorables : et il le peut décerner justement, puisque aussi bien ces circonstances et ces aides ne leur auraient de rien servi. Mais Molina se contente d’y trouver en général une raison des décrets de Dieu, fondée sur ce que la créature libre ferait en telles ou telles circonstances.

41 Je n’entre point dans tout le détail de cette controverse ; il me suffit d’en donner un échantillon. Quelques anciens, dont saint Augustin et ses premiers disciples n’ont pas été contents, paraissent avoir eu des pensées assez approchantes de celles de Molina. Les thomistes et ceux qui s’appellent disciples de saint Augustin (mais que leurs adversaires appellent jansénistes)[1], combattent cette doctrine philosophiquement et théologiquement. Quelques-uns prétendent

  1. Jansénistes, secte célèbre du xvir siècle, ainsi nommée de son fondateur Jansênhis, évèque d’Ypres, né en Hollande en 1585, mort. en 1G38. Son livre célèbre V Augustinus publié en 1 G 10 fut l’occasion de ce fameux schisme qui agita l’Église pendant 150 ans. Dans ce livre, où il prétendait exprimer les sentiments de saint Augustin, l’auteur outrait la doctrine de la grâce et se rapprochait du calvinisme. Les promoteurs du jansénisme en France ont été l’abhé de Saint-Oyran (Duvergier de llauranne), Arnanll, Nicole, Pascal, le l\ Quesnel Voir le l’ort-Iîoyal de M. Sainte-Beuve, P. J.