Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/133

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encore immanquables, le succès dépendant du résultat total. Et dans cette manière de prendre les choses, toutes les difficultés qu’on peut faire là-dessus reviennent à celles qu’on a déjà faites et levées, quand on a examiné l’origine du mal.

85 Il ne reste qu’une discussion importante, qui a ses difficultés particulières ; c’est celle de la dispensation des moyens et des circonstances qui contribuent au salut et à la damnation ; ce qui comprend entre autres la matière des secours de la grâce (de auxiliis gratiae) sur laquelle Rome, depuis la congrégation de auxiliis sous Clément VIII[1], où il fut disputé entre les dominicains ét les jésuites, ne permet pas aisément qu’on publie des livres. Tout le monde doit convenir que Dieu est parfaitement bon et juste, que sa bonté le fait contribuer le moins qu’il est possible à ce qui peut rendre les hommes coupables, et le plus qu’il est possible à ce qui sert à les sauver (possible, dis-je, sauf l’ordre général des choses) ; que sa justice l’empêche de damner des innocents, et de laisser de bonnes actions sans récompense ; et qu’il garde même une juste proportion dans les punitions et dans les récompenses. Cependant cette idée qu’on doit avoir de la bonté et de la justice de Dieu ne paraît pas assez dans ce que nous connaissons de ses actions par rapport au salut et à la damnation des hommes ; et c’est ce qui fait des difficultés qui regardent le péché et ses remèdes.

86 La première difficulté est comment l’âme a pu être infectée du péché originel qui est la racine des péchés actuels, sans qu’il y ait eu de l’injustice en Dieu à l’y exposer. Cette difficulté a fait naître trois opinions sur l’origine de l’âme même : celle de la préexistence des âmes humaines dans un autre monde ou dans une autre vie où elles avaient péché, et avaient été condamnées pour cela à cette prison du corps humain ; opinion des platoniciens, qui est attribuée à Origène, et qui trouve, encore aujourd’hui des sectateurs. Henri Morus, docteur anglais, a soutenu quelque chose de ce dogme dans un livre exprès. Quelques-uns de ceux qui soutiennent cette préexistence sont allés jusqu’à la métempsycose. M. van Helmont, le fils, était de ce sentiment, et l’auteur ingénieux de quelques méditations métaphysiques publiées en 1678, sous le nom de Guillaume Wander[2],

  1. Clément VIII ou Philippe Aldobmndini, élu pape en 1592, mort en 1605 P. J.
  2. Guillaume Wander. Nous n’avons pas pu retrouver le nom véritable de cet auteur. Barbier (Dict. des Anonymes et des Pseudonymes) n’en parlé pas ; Jocher le mentionne sous son nom supposé et ne nous en apprend rien P. J.