Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/137

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de la nature. Et Pythagore avait raison de dire en général chez Ovide : Morte carent animae.

90 Or, comme j’aime les maximes qui se soutiennent, et où il y ait le moins d’exceptions qu’il est possible, voici ce qui m’a paru le plus raisonnable en tout sens sur cette importante question. Je tiens que les âmes, et généralement les substances simples, ne sauraient commencer que par la création, ni finir que par l’annihilation : et comme la formation des corps organiques animés ne paraît explicable dans l’ordre de la nature que lorsqu’on suppose un préformation déjà organique, j’en ai inféré que ce que nous appelons génération d’un animal, n’est qu’une transformation et augmentation : ainsi puisque le même corps déjà organisé, il est à croire qu’il était déjà animé, et qu’il avait la même âme, de même que je juge vice versa de la conservation de l’âme lorsqu’elle est créée une fois, que l’animal est conservé aussi, et que la mort apparente n’est qu’un enveloppement ; n’y ayant point d’apparence que dans l’ordre de la nature il y ait des âmes entièrement séparées de tout corps, ni que ce qui ne commence point naturellement, puisse cesser par les forces de la nature.

91 Après avoir établi un si bel ordre, et des règles si générales à l’égard des animaux, il ne paraît pas raisonnable que l’homme en soit exclu entièrement, et que tout se fasse en lui par miracle par rapport à son âme. Aussi ai-je fait remarquer plus d’une fois, qu’il est de la sagesse de Dieu que tout soit harmonique dans ses ouvrages, et que la nature soit parallèle à la grâce. Ainsi, je croirais que les âmes, qui seront un jour âmés humaines comme celles des autres espèces, ont été dans les semences et dans les ancêtres jusqu’à Adam, et ont existé par conséquent depuis le commencement des choses, toujours dans une manière de corps organisé : en quoi il semble que M. Swammerdam, le R. P. Malebranche[1], M. Bayle, M. Pitcarne[2], M. Hartsoeker[3], et quantité d’autres personnes

  1. Malebranche (Nicolas), philosophe illustre du xvn0 siècle, né à Paris en 1638, mort en 1715. Il était oratorien, s’attacha à la philosophie de Descartes, mais fut lui-même l’auteur d’une philosophie originale. Ses ouvrages sont la Recherche de la vérité (in-12, Paris, 1674) Conversations métaphysiques cl chrétiennes (in-12, Paris, 1677) Traité de ta nature et de la grâce (Amst., in-12, 1683) Méditations métaphysiques et chrétiennes (in-12, Col., 1683) Traité de morale (in-12, 1684) Entretiens sur ta métaphysique ^n-12, 1688).
  2. Pitcakne (Archibakl), médecin écossais, professeur à Leyde en 1692, a écrit des Opiiscula medica. P. J.
  3. Hartsoeker, mathématicien hollandais, né en Hollande en 1636, fut nommé