Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/24

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cette préface, qu’en niant l’influence physique de l’âme sur le corps ou du corps sur l’âme, c’est-à-dire une influence qui fasse que l’un trouble les lois de l’autre, je ne nie point l’union de l’un avec l’autre qui en fait un suppôt ; mais cette union est quelque chose de métaphysique qui ne change rien dans les phénomènes. C’est ce que j’ai déjà dit en répondant à ce que le R. P. de Tournemine[1], dont l’esprit et le savoir ne sont point ordinaires, m’avait objecté dans les Mémoires de Trévoux. Et par cette raison on peut dire aussi, dans un sens métaphysique, que l’âme agit sur le corps et le corps sur l’âme. Aussi est-il vrai que l’âme est l’entéléchie ou le principe actif, au lieu que le corporel tout seul ou le simple matériel ne contient que le passif, et que par conséquent le principe de l’action est dans les âmes, comme je l’ai expliqué plus d’une fois dans le Journal de Leipzig, mais plus particulièrement en répondant à feu M. Sturm[2], philosophe et mathématicien d’Altdorf, où j’ai même démontré que s’il n’y avait rien que de passif dans les corps, leurs différents états seraient indiscernables. Je dirai aussi à cette occasion qu’ayant appris que l’habile auteur du livre de la Connaissance de soi-même[3] avait fait quelques objections dans ce livre contre mon système de l’harmonie préétablie, j’avais envoyé une réponse à Paris, qui fait voir qu’il m’a attribué des sentiments dont je suis bien éloigné ; comme a fait aussi depuis peu un docteur de Sorbonne anonyme, sur un autre sujet. Et ces mésentendus auraient paru d’abord aux yeux du lecteur, si l’on avait rapporté mes propres paroles, sur lesquelles on a cru se pouvoir fonder.

Cette disposition des hommes à se méprendre en représentant les sentiments d’autrui, fait aussi que je trouve à propos de remarquer que lorsque j’ai dit quelque part que l’homme s’aide du secours de

  1. Tournemine (P.), savant jésuite, né à Rennes en 1661, mort à Paris en 1739. Il inséra de nombreuses dissertations dans les Mémoires de Trévoux de 1702 à 1736. On a de lui des Réflexions sur l’athéisme, et une Lettre sur l'âme adressée à Voltaire. P. J.
  2. Sturm (Jean-Christophe), savant illustre, né en 1635 à Hilpostein (comté de Neubourg), professeur à l’Académie de Altdorf, mort en 1703. Ou a de lui une Philosophia eclectica, Nuremberg, 1686, in-8o, et une Physica hypothetica ibid., 1697, in-4o, 2 vol. P. J.
  3. Dom Lami (Dom François), bénédictin, qu’il ne faut pas confondre avec le P. Lami de l’oratoire, né à Montreau, près de Chartres, en 1636. On a de lui un traité de la Connaissance de soi-même, 6 vol. in-12 ; Paris, 1621-1696, 8° édition en 1710, fort complète. Le Nouvel athéisme renversé ou réfulalion de Spinoza ; Paris, 1696, in-12,