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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/367

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finale et décrétoire (qui a toujours son effet), il veut permettre qu’ils pèchent ; cette permission étant une suite des raisons supérieures ; et on a sujet de dire généralement que la volonté antécédente de Dieu va à la production du bien et à l’empêchement du mal, chacun pris en soi et comme détaché (particulariter et secundum quid, Thom. I, qu. 19, art. 6), suivant la mesure du degré de chaque bien ou de chaque mal ; mais que la volonté divine conséquente, ou finale et totale, va à la production d’autant de biens qu’on en peut mettre ensemble, dont la combinaison devient par là déterminée, et comprend aussi la permission de quelques maux et l’exclusion de quelques biens, comme le meilleur plan possible de l’univers le demande. Arminius, dans son Antiperkinsus, a fort bien expliqué que la volonté de Dieu peut être appelée conséquente, non seulement par rapport à l’action de la créature considérée auparavant dans l’entendement divin, mais encore par rapport à d’autres volontés divines antérieures. Mais il suffit de considérer le passage cité de Thomas d’Aquin, et celui de Scot (I. dist. 46, qu. XI), pour voir qu’ils prennent cette distinction comme on l’a prise ici. Cependant si quelqu’un ne veut point souffrir cet usage des termes, qu’il mette volonté préalable, au lieu d’antécédente, et volonté finale ou décrétoire, au lieu de conséquente ; car on ne veut point disputer des mots.

V. Objection. Quiconque produit tout ce qu’il y a de réel dans une chose, en est la cause.

Dieu produit tout ce qu’il y a de réel dans le péché

Donc Dieu est la cause du péché.

Réponse. On pourrait se contenter de nier la majeure ou la mineure, parce que le terme de réel reçoit des interprétations qui peuvent rendre ces propositions fausses. Mais pour se mieux expliquer on distinguera. Réel signifie ou ce qui est positif seulement, ou bien il comprend encore les êtres privatifs ; au premier cas, on nie la majeure, et on accorde la mineure ; au second cas, on fait le contraire. On aurait pu se borner à cela ; mais on a bien voulu aller encore plus loin, pour rendre raison de cette distinction. On a donc été bien aise de faire considérer que toute réalité purement positive, ou absolue, est une perfection ; et que l’imperfection vient de la limitation, c’est-à-dire du privatif : car limiter, est refuser le progrès, ou le plus outre. Or Dieu est la cause de toutes les perfections, et par conséquent de toutes les réalités, lorsqu’on les considère