Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/42

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mal à ceux qu’on soupçonnait ou qu’on faisait semblant de soupçonner de fanatisme ou même d’hypocrisie cachée sous quelque apparence de réforme. Or, quelques-uns des auditeurs de ces maîtres s’étant trop distingués par des manières qu’on trouva choquantes, et entre autres par le mépris de la philosophie, dont on disait qu’ils avaient brûlé les cahiers de leçons, on crut que leurs maîtres rejetaient la philosophie ; mais ils s’en justifièrent fort bien, et on ne put les convaincre ni de cette erreur, ni des hérésies qu’on leur imputait.

16. La question de l’usage de la philosophie dans la théologie a été fort agitée parmi les chrétiens, et l’on a eu de la peine à convenir des bornes de cet usage, quand on est entré dans le détail. Les mystères de la Trinité, de l’Incarnation et de la sainte Cène donnèrent le plus d’occasion à la dispute. Les photiniens nouveaux, combattant les deux premiers mystères, se servaient de certaines maximes philosophiques dont André Kesler[1], théologien de la confession d’Augsbourg, a donné le précis dans les traités divers qu’il a publiés sur les parties de la philosophie socinienne. Mais quant à leur métaphysique, on s’en pourrait instruire davantage par la lecture de celle de Christophe Stegman g’, socinien, qui n’est pas encore imprimée, que j’avais vue dans ma jeunesse, et qui m’a été encore communiquée depuis peu.

17. Calovius et Scherzerus[2], auteurs bien versés dans la philosophie de l’École, et plusieurs autres théologiens habiles ont amplement répondu aux sociniens et souvent avec succès, ne s’étant point contentés des réponses générales, un peu cavalières, dont on se servait ordinairement contre eux, et qui revenaient à dire que leurs maximes étaient bonnes en philosophie et non pas en théologie ; que c’était le défaut de l’hétérogénéité qui s’appelle metabasis eis allo genos, si quelqu’un les employait quand il s’agit de ce qui passe la raison ; et que la philosophie devait être traitée en servante et non pas en maîtresse par rapport à la théologie, suivant le titre du livre de Robert Baronius[3], Ecossais, intitulé : Philosophia theologice

  1. Kesler (André), théologien, né à Cobourg en 1595, mort en 16-13. Il a écrit Examen pkysicœ, metaphysicœ et logicœ socinianœ et d’autres ouvrages théologiques. P J.
  2. Calov (Abraham), théologien protestant, né en Prusse en 1617, mort à Wittemberg en 1686. On a de lui, entre autres ouvrages de théologie, un Socinismum profligatum. SciiEv/.En (Jean-Adam), théologien protestant, né à Égraen Bohême en 1628, mort en 1693, auteur du Collegium antisocianium, et de beaucoup d’autres ouvrages théologiques. P. J.
  3. Baromes. Leibniz en donne plus bas le véritable nom. P. J.