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544 MÉDITATIONS

MÉDITATIONS

SUE

LA CONNAISSANCE, LA VÉRITÉ ET LES IDÉES

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Puisque des hommes éminents soulèvent aujourd’hui des contro- verses sur les idées vraies et fausses, et que ce sujet, dont Descartes lui-même n’a pas toujours donné une explication satisfaisante, est de la plus grande importance pour la connaissance de la vérité, je me propose d’expliquer en peu de mots ce que, selon moi, on peut dire de certain touchant les distinctions et les critères de nos idées et de nos connaissances. Ainsi une connaissance est ou obscure ou claire, et une connaissance claire est en outre ou confuse ou distincte, et une connaissance distincte est ou inadéquate ou adéquate, ou bien encore, symbolique ou intuitive ; et si elle est tout à la fois symboli- que et intuitive, elle est parfaite en tout point.

Une notion est obscure quand elle ne suffit pas pour faire recon- naître la chose représentée ; comme dans le cas où j’aurais quelque idée vague d’une fleur ou d’un animal que j’aurais déjà vu, mais non suffisamment pour pouvoir le reconnaître s’il s’offrait à ma vue, ni le distinguer de quelque animal voisin ; ou dans celui où je considérerais quelque terme mal défini dans l’école, tel quel’entélé- chie d’Aristote, ou la cause en tant qu’elle est commune à la ma- tière ou à la forme efficiente ou finale, et d’autres expressions sem- blables dont nous n’avons aucune définition certaine ; ce qui rend également obscure la proposition dont une telle notion fait partie. Une connaissance est donc claire lorsqu’elle suffit pour nie faire re- connaître la chose représentée, et elle est en outre ou confuse ou distincte ; confuse, lorsque je ne puis pas énumérer séparément les marques nécessaires pour faire distinguer une chose d’entre les au- tres, bien que cette chose ait en effet de telles marques, ainsi que les données requises pour qu’on puisse en analyser la notion. C’est ainsi que nous reconnaissons assez clairement les couleurs, les odeurs, les saveurs, et les autres objets particuliers des organes sensibles, et que nous les distinguons les uns des autres, par le simple témoignage des sens et non par les signes du langage ; et c’est pourquoi nous ne pouvons expliquer à un aveugle ce que c’est que le rouge, ni faire connaître aux autres les qualités de ce genre,

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