Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/138

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brièveté de sa vie ne lui a pas permis de connaître les revers qu’il eût probablement essuyés s’il était survenu dans un temps où il eût fallu se conduire avec circonspection ; car il n’aurait jamais pu se départir du système de violence auquel ne le portait que trop son caractère.

Je conclus donc que, la fortune changeant, et les hommes s’obstinant dans la même manière d’agir, ils sont heureux tant que cette manière se trouve d’accord avec la fortune ; mais qu’aussitôt que cet accord cesse, ils deviennent malheureux.

Je pense, au surplus, qu’il vaut mieux être impétueux que circonspect ; car la fortune est femme : pour la tenir soumise, il faut la traiter avec rudesse ; elle cède plutôt aux hommes qui usent de violence qu’à ceux qui agissent froidement : aussi est-elle toujours amie des jeunes gens, qui sont moins réservés, plus emportés, et qui commandent avec plus d’audace.



Chapitre XXVI.


Exhortation à délivrer l’Italie des barbares.


En réfléchissant sur tout ce que j’ai exposé ci-dessus, et en examinant en moi-même si aujourd’hui les temps seraient tels en Italie, qu’un prince nouveau pût s’y rendre illustre, et si un homme prudent et courageux trouverait l’occasion et le moyen de donner à ce pays une nouvelle forme, telle qu’il en résultât de la gloire pour lui et de l’utilité pour la généralité des habitants, il me semble que tant de circonstances concourent en faveur d’un pareil dessein, que je ne sais s’il y eut jamais un temps plus propice que celui-ci pour ces grands changements.

Et si, comme je l’ai dit, il fallait que le peuple d’Is-