Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/156

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son gouvernement, ne seront point étonnés de voir toutes les vertus se maintenir dans cette ville pendant une si longue suite de siècles, et devenir la base de cet empire immense auquel elle parvint par la suite.

Et pour parler d’abord de son origine, je dis que toutes les villes sont fondées, ou par les naturels du pays où elles s’établissent, ou par des étrangers.

Le premier cas a lieu quand les habitants, disséminés en une foule de peuplades peu nombreuses, se voient dans l’impossibilité de vivre avec sécurité, les localités et le petit nombre ne permettant à aucune d’entre elles de résister par ses propres forces à l’agression de ceux qui les attaqueraient. A l’approche de l’ennemi ils n’ont pas le temps de se réunir pour la défense commune ; s’ils y parviennent, ils n’en sont pas moins contraints de lui abandonner la plupart de leurs asiles, et ils deviennent ainsi la proie soudaine de leur ennemi. C’est donc pour fuir ces dangers, que, de leur propre mouvement, ou poussés par ceux qui ont obtenu dans la tribu le plus d’autorité, ils se déterminent à habiter ensemble un lieu de leur choix, plus commode pour vivre et plus facile à défendre. Athènes et Venise entre autres nous en offrent l’exemple. La première de ces villes, sous l’autorité de Thésée, fut bâtie pour y rassembler les habitants épars de l’Attique. L’autre, réunissant les nombreuses populations qui s’étaient réfugiées dans la multitude de petites îles placées à la pointe de la mer Adriatique, pour fuir les guerres qu’enfantaient chaque jour en Italie, depuis la décadence de l’empire romain, les invasions des barbares, commença, sans qu’aucun prince particulier lui donnât un gouvernement, à vivre sous les lois qu’elle crut les plus propres à la maintenir. Le succès couronna son entreprise, favorisée par une longue paix et sa position au sein d’une mer sans issue, que le défaut de vaisseaux de transport ne permettait pas aux barbares qui désolaient l’Italie de venir infester. C’est ainsi