qui le combattaient, ne pouvant le réprimer par la force des lois, employèrent les voies illégales, et l’on en vint aux armes. Si l’on avait pu lui opposer les moyens légitimes, lui seul eût payé le renversement de son autorité ; mais, comme il fallut le vaincre avec les forces que ne donnait point la loi, il entraîna dans sa chute un grand nombre de nobles citoyens.
Ces réflexions acquièrent une nouvelle force de ce qui s’est passé à Florence, à l’égard de Pierre Soderini, et qui n’eut lieu que parce qu’il n’existait dans la république aucun moyen suffisant d’accusation contre l’ambition des citoyens revêtus d’un trop grand pouvoir, car peut-on considérer comme tel la faculté d’accuser un homme puissant devant un tribunal composé simplement de huit juges. Ces juges doivent être nombreux, car le petit nombre se plie facilement à la volonté du petit nombre. Si l’État, en effet, avait eu ces moyens de défense, et que Soderini eût mené une conduite coupable, les citoyens auraient pu satisfaire leur animosité contre lui, sans implorer l’appui de l’armée espagnole ; ou si sa conduite, au contraire, eût été légitime, ils n’auraient point osé le poursuivre, dans la crainte d’être accusés eux-mêmes ; et de cette manière se serait éteinte la fureur de ce ressentiment qui fut la source de tant de désordres.
On peut conclure de ce que je viens de dire, que toutes les fois qu’on voit un des partis qui divisent une ville implorer le secours des forces étrangères, on ne doit l’attribuer qu’aux vices de sa constitution, et à ce qu’il n’existe dans son sein aucune institution qui permette l’explosion régulière de ces ressentiments qui agitent trop souvent les hommes. On préviendrait tous ces inconvénients, si l’on établissait un tribunal assez nombreux pour recevoir les accusations et pour leur donner une grande importance. A Rome, ces institutions étaient si bien réglées, qu’au milieu de ces longues dissensions entre le peuple et le sénat, jamais ni le sénat,