Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/277

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qu’Appius avait choisie pour l’avoir sans cesse autour de lui se familiarisa bientôt avec la tyrannie, et s’en déclara l’amie, séduite par les faibles avantages qu’elle en retirait ; il ne faut que voir également comment Quintus Fabius, l’un des membres du second décemvirat, homme renommé par ses vertus, mais que l’ambition aveugla un moment, se laissa séduire par la perversité d’Appius, abandonna la vertu pour se plonger dans le vice, et devint en tout l’émule de son collègue. Ces faits, mûrement examinés, engageront plus vivement encore les législateurs des républiques ou des royaumes à mettre un frein aux passions des hommes, en leur ôtant l’espoir de pouvoir impunément s’égarer.



CHAPITRE XLIII.


Ceux qui combattent pour leur propre gloire sont des soldats braves et fidèles.


Le sujet que nous venons de traiter montre encore la grande différence qui existe entre une armée satisfaite, qui combat pour sa propre gloire, et celle qui, déjà mal disposée, ne combat que pour servir l’ambition d’un maître. Aussi, les armées romaines, qui, sous leurs consuls, avaient toujours été victorieuses, furent toujours vaincues lorsqu’elles suivirent les décemvirs. Cet exemple peut démontrer également en partie l’inutilité des soldats mercenaires, qui n’ont d’autre lien qui les attache à vos intérêts que le faible salaire qu’ils reçoivent de vos mains. Ce motif n’est ni ne saurait être assez puissant pour les rendre fidèles et leur faire pousser l’attachement jusqu’à vouloir mourir pour vous. Les armées qui ne portent pas à celui pour lequel elles combattent une affection capable de lui donner un partisan dans chaque soldat, n’ont point assez de courage pour résister à un ennemi qui montrerait la moindre valeur.