Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/312

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duisit envers Manlius Capitolinus, qu’elle regretta amèrement après lui avoir arraché la vie. Voici quelles sont à ce sujet les paroles de l’historien : Populum brevi, posteaquam ab eo periculum nullum erat. desiderium ejus tenuit. Et dans un autre endroit, lorsqu’il raconte les événements qui suivirent à Syracuse la mort d’Hiéronyme, petit-fils d’Hiéron, il dit : Hœc natura multitudinis est, aut humiliter servit, aut superbe dominatur.

Je ne sais si ce n’est point entreprendre une tâche pénible et tellement remplie de difficultés, que je sois obligé ou de l’abandonner honteusement, ou de la poursuivre au risque de succomber sous le fardeau, que de m’efforcer de défendre une cause qui, ainsi que je viens de le dire, a été attaquée par tous les historiens. Mais, quoi qu’il en soit, je ne regarderai jamais comme un tort de s’appuyer de la raison pour combattre une opinion, lorsqu’on n’y veut employer ni l’autorité ni la force.

Je dirai donc que le défaut dont les historiens accusent la multitude peut être imputé aux hommes en général, et aux princes en particulier : en effet, tous ceux que ne retient pas l’autorité des lois se livreraient aux mêmes erreurs que la multitude sans frein. On peut facilement s’en convaincre : il y a eu et il existe encore beaucoup de princes, mais on en compte parmi eux bien peu de bons ou de sages. Je parle ici des princes qui pouvaient briser tous les freins qui auraient été capables de les retenir. Je n’y comprends pas les rois que vit naître l’Égypte, lorsque ce royaume si ancien se gouvernait sous l’empire des lois ; ni ceux que Sparte a produits ; ni ceux qui de notre temps ont vu la lumière en France, dans ce royaume où les lois ont plus de puissance que dans aucun des empires qui existent de nos jours.

Les rois qui naissent sous de semblables institutions ne sauraient être comptés parmi ceux dont on puisse examiner le caractère naturel pour le comparer à celui