Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/347

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et les ligues de Souabe. Et comme nous le dirons à la fin de cet ouvrage, de toutes ces sages institutions établies dans Rome et qui dirigeaient sa conduite dans toutes les affaires de l’intérieur et de l’extérieur, non-seulement aucune n’a servi de règle aux gouvernements de nos jours, mais il semble même qu’on les dédaigne et qu’on les regarde la plupart comme n’offrant aucune réalité, d’autres comme inexécutables, et le reste comme inutile ou hors de propos. C’est ainsi que, plongés dans cette funeste ignorance, nous sommes la proie de tous ceux qui ont voulu envahir notre pays.

Si l’exemple des Romains parait trop difficile à suivre, celui des anciens Toscans doit-il le paraître autant, surtout aux Toscans de nos jours ? Si, par les causes que j’ai rapportées, ils ne purent obtenir un empire semblable à celui des Romains, ils parvinrent du moins à acquérir en Italie ce degré de puissance que permettait le système qu’ils avaient adopté. L’État jouit longtemps d’une tranquillité profonde, également illustré par son empire et la gloire de ses armes, par la pureté de ses mœurs et son respect pour les dieux. Cette gloire et cette puissance, d’abord ébranlées par les Gaulois, furent enfin si profondément anéanties par les Romains, qu’à peine s’en est-il conservé quelque trace dans la mémoire des hommes, quoiqu’elles n’aient disparu que depuis deux mille ans. Cet oubli m’a fait réfléchir sur les causes d’où il pouvait naître, et je les exposerai dans le chapitre suivant.



CHAPITRE V.


Des changements de religion et de langage, joints aux désastres causés par les inondations et le fléau de la peste, effacent la mémoire des événements.


On a voulu, je crois, répondre aux philosophes qui prétendent que le monde existe de toute éternité, que