Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/394

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poursuivre l’ennemi dans sa fuite, et pour s’opposer à la cavalerie des adversaires. Mais le fondement et le nerf des armées, ce que l’on doit le plus estimer, c’est l’infanterie.

Parmi les grandes erreurs des princes italiens qui ont rendu l’Italie esclave des étrangers, il n’en est pas de plus funeste que celle d’avoir attaché peu d’importance à ce système, et d’avoir mis toute leur étude à favoriser les troupes à cheval. Ce désordre a pris sa source et dans la perversité des chefs et dans l’ignorance de ceux qui gouvernaient l’État. En effet, la milice italienne, depuis vingt-cinq ans environ, s’est trouvée réduite à un petit nombre d’hommes sans patrie, semblables à des chefs d’aventuriers, qui cherchèrent dès lors à soutenir leur considération en restant sous les armes tandis que les princes étaient désarmés. Comme on ne pouvait leur payer continuellement une troupe considérable de fantassins, qu’ils n’avaient pas d’ailleurs de sujets propres à cet usage, et qu’un petit nombre n’aurait pu leur donner de considération, ils préférèrent entretenir une certaine quantité de cavalerie, parce que deux ou trois cents chevaux qu’on payait à un condottiere le maintenaient dans tout son crédit, et que la dépense n’était pas assez forte pour que ceux qui gouvernaient l’État ne pussent y subvenir. Les condottieri, pour venir plus aisément à bout de leurs projets et conserver leur prépondérance, atténuèrent, autant qu’il dépendit d’eux, la réputation et l’utilité de l’infanterie, pour accroître celle de leur cavalerie ; et ils poussèrent si loin sur ce point le renversement des idées, qu’à peine on voyait dans les armées les plus considérables quelques faibles corps de fantassins. Cet usage, joint à d’autres désordres qui s’y mêlèrent, affaiblit tellement la milice italienne, que cette contrée a été facilement foulée aux pieds par tous les peuples d’outre-monts.

Rome nous offre un autre exemple qui prouve à quel