Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsqu’elles ont obtenu la victoire, pillent ordinairement et celui pour qui elles combattaient et celui contre lequel elles ont combattu, soit pour servir la perfidie du prince qui les a envoyées, soit pour assouvir leur propre cupidité. Et, quoique jamais Rome n’eût l’intention de violer les traités qui l’attachaient aux habitants de Capoue, la facilité que virent ses soldats à opprimer les Capouans fut assez puissante pour les engager à ravir à ce peuple et leur ville et leur territoire.

Je pourrais présenter une foule d’autres exemples à l’appui de ce que j’avance ; mais je me bornerai à celui que je viens de citer, et à ce qui arriva aux habitants de Reggio, qui se virent privés de la vie et de la liberté par une légion que les Romains y avaient mise en garnison.

Ainsi donc un prince ou une république doit recourir à tous les moyens possibles, plutôt que de se résoudre à introduire au sein de ses États des auxiliaires chargés de sa défense, et à se reposer sur leur appui ; car tout traité, toute condition que lui imposera son ennemi, quelque dure qu’elle soit, lui sera encore moins funeste. Si on lit avec attention les événements passés, et que l’on étudie soigneusement ceux qui arrivent sous nos yeux, on verra que, parmi ceux qui ont embrassé ce parti, s’il en est un qui a obtenu un heureux résultat, presque tous en ont été victimes.

En effet, un prince ou une république qui a quelque ambition ne peut trouver une occasion plus favorable d’envahir une ville ou une province, que celle où ses armées sont appelées pour la défendre. Ainsi, celui qui, livré à l’esprit de conquêtes, implore de pareils secours, soit pour se défendre, soit pour opprimer ses ennemis, cherche un avantage passager qu’il ne pourra conserver, et qui lui sera sans peine enlevé par celui-là même qui lui aura facilité sa conquête. Mais l’ambition de l’homme est si violente, que, pour satisfaire le désir du moment, il ne songe pas aux malheurs qui doivent bientôt en