livrer ; que les Romains n’avaient obtenu de leur victoire qu’une gloire inutile ; mais qu’ils avaient essuyé les mêmes désastres que s’ils eussent été vaincus, et que, pour peu qu’on déployât de vigueur en les attaquant, on était sûr de les anéantir : ces peuples, séduits par ces paroles, levèrent une nouvelle armée ; mais ils furent aussitôt battus, et ils eurent à souffrir les malheurs auxquels sont exposés tous ceux qui se laissent entraîner par de semblables opinions.
CHAPITRE XXIII.
Jam Latio is status erat rerum, ut neque pacem neque bellum pati possent. De toutes les positions malheureuses dans lesquelles peut se trouver un prince ou une république, la plus déplorable sans doute est d’être réduit au point de ne pouvoir accepter la paix ni soutenir la guerre. Tel est pourtant le sort de ceux auxquels la paix impose de trop dures conditions, et qui, d’un autre côté, désirant faire la guerre, sont contraints de se jeter comme une proie au-devant de ceux dont ils implorent le secours, ou de rester celle des ennemis. On n’arrive à ces tristes extrémités que quand, pour avoir suivi des conseils imprudents ou pris de mauvaises dispositions, on n’a pas bien mesuré ses forces, ainsi que je l’ai dit plus haut.
En effet, un prince, une république, qui auraient bien connu toutes leurs ressources, auraient été difficilement réduits à la même extrémité que les Latins, qu’on vit faire la paix avec Rome lorsque la paix devait les perdre, lui déclarer la guerre quand la guerre pouvait les accabler, et se conduire de manière que l’alliance et l’inimitié