Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XXXII.


Des divers moyens qu’employaient les Romains pour s’emparer d’une ville.


Toutes les institutions des Romains étaient tournées à la guerre ; aussi la firent-ils toujours d’une manière avantageuse, par rapport et aux dépenses et à toutes les autres mesures nécessaires pour la bien conduire. De là vient qu’ils ont toujours évité de s’emparer d’une ville par un siége régulier : ils regardaient cette opération comme tellement dispendieuse et incommode, que les avantages qu’elle procurait n’égalaient jamais les peines qu’avait causées la conquête. Ils pensaient donc qu’il valait mieux employer tout autre moyen pour subjuguer une ville, que celui d’en faire le siége : aussi la longue suite de leurs guerres n’offre-t-elle que des exemples très-rares de siéges réguliers.

La manière dont ils s’emparaient d’une ville était de la prendre d’assaut ou par capitulation. Dans l’assaut, ils emportaient la place de vive force, ou en mêlant la ruse à la force. La force ouverte consistait à enlever une ville d’un seul coup, sans battre les murailles ; ce qu’ils appelaient aggredi urbem corona, parce qu’en effet leur armée entière l’environnait et l’attaquait de tous les côtés. Dans un grand nombre de circonstances, ils parvinrent, par une attaque soudaine, à se rendre maîtres d’une cité, quelque considérable qu’elle fût ; comme lorsque Scipion s’empara de Carthagène en Espagne. Quand l’assaut ne suffisait pas, ils tâchaient de renverser les murailles à coups de bélier et avec d’autres machines de guerre, ou bien ils creusaient une mine pour s’introduire dans la place ; et c’est de cette manière qu’ils s’emparèrent de Véïes : ou, pour être de niveau