Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/478

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point entraîner à donner un écrit de sa propre main, le oui d’un homme vaut bien le non d’un autre ; mais on doit éviter un écrit comme un véritable écueil : un écrit de votre main est la preuve la plus convaincante que l'on puisse produire contre vous.

Plautianus avait formé le projet de faire périr l’empereur Sévère et Antonin son fils : il remit l’exécution de ce projet au tribun Saturninus, qui, déterminé à le dénoncer plutôt qu’à lui obéir, et craignant que le crédit de Plautianus ne permît pas d’ajouter foi à son accusation, exigea de lui un ordre par écrit pour constater sa mission. Plautianus, aveuglé par l’ambition, le lui donna. Le tribun, fort de cette preuve, l’accusa et le convainquit. Sans cet écrit, et quelques autres indices, Plautianus l’eût emporté, tant il mit d’audace et de fermeté dans ses dénégations. L’accusation d’un seul perd donc une partie de sa force lorsqu’elle n’est appuyée d’aucun écrit ou d’aucun autre indice qui vous convainque ; ce que chacun doit soigneusement éviter.

Il se trouvait dans la conjuration de Pison une femme nommée Épicharis, qui jadis avait été maîtresse de Néron. Jugeant qu’il était nécessaire d’admettre au nombre des conjurés le commandant de quelques trirèmes que Néron entretenait pour sa sûreté, elle lui donna connaissance du complot, sans lui dire toutefois les noms des conjurés ; mais cet officier, trahissant la confiance qu’elle lui avait montrée, l’accusa auprès de Néron. Épicharis, sans se laisser effrayer, nia le complot avec tant de constance et de fermeté, que Néron confondu n’osa la condamner.

Il y a deux dangers à courir lorsque l’on communique un complot à un seul individu. L’un, qu’il ne vous dénonce volontairement ; l’autre, qu’arrêté sur un soupçon ou d’après quelque indice, il ne soit convaincu ou contraint par les tourments à devenir votre accusateur. Mais dans ce double péril il est quelque ressource :