Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/484

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poignard nu à la main, il lui cria : Voici ce que t’envoie le sénat. Ces paroles furent cause qu’on l’arrêta avant qu’il eût pu baisser le bras pour frapper.

Messer Antonio da Volterra, désigné, comme nous l’avons dit plus haut, pour assassiner Laurent de Médicis, s’écria, en s’approchant de lui : Ah ! traître ! Ce cri sauva Laurent et perdit les conjurés.

Lorsqu’une conjuration ne menace qu’une seule tête, toutes les circonstances que nous avons rapportées peuvent faire encore manquer une entreprise. Mais elle réussit avec bien plus de difficulté encore lorsque l’on conspire contre deux personnes ; il est difficile alors, pour ne pas dire impossible, qu’elle ait une heureuse issue ; car exécuter spontanément et dans deux endroits différents est une chose presque impossible : on ne peut s’y prendre à deux reprises différentes, si l’on ne veut pas que l’une empêche l’autre de réussir.

Si conspirer contre un prince est une entreprise douteuse, périlleuse et imprudente, conspirer contre deux est vain et insensé. Sans le respect que je professe pour l’historien, je ne pourrais croire à la possibilité de ce qu’Hérodien rapporte de Plautianus, qui ordonna au centurion Saturnius de poignarder, lui seul, Sévère et Caracalla, qui habitaient dans des palais différents : c’est une chose si éloignée de la raison, que j’ai besoin d’une semblable autorité pour y ajouter foi.

Quelques jeunes Athéniens conspirèrent contre Dioclès et Hippias, tyrans d’Athènes : ils massacrèrent Dioclès ; mais Hippias survécut pour le venger.

Chion et Léonide, d’Héraclée, disciples de Platon, conspirèrent contre Cléarque et Satyrus, tyrans de leur patrie : ils tuèrent Cléarque ; mais Satyrus, échappé à leurs coups, vengea l’autre tyran. Les Pazzi, dont nous avons eu l’occasion de parler plus d’une fois, ne parvinrent à se défaire que de Julien.

Il faut donc éviter avec soin de conspirer à la fois