Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/506

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sous tout autre inconvénient. Annibal dut donc être déterminé par une nécessité aussi puissante.

D’un autre côté, quand Annibal eût différé la bataille, ou quand Scipion n’eût point osé aller l’attaquer dans ses retranchements, ce dernier général n’avait point à craindre le besoin : il avait déjà vaincu Syphax ; et ses conquêtes en Afrique étaient tellement étendues, qu’il pouvait y rester avec autant de sécurité et de ressources qu’en Italie. La situation d’Annibal à l’égard de Fabius, et celle des Gaules envers Sulpitius, étaient toutes différentes.

Celui-là peut moins encore éviter le combat, dont l’armée envahit un territoire ennemi : s’il peut y pénétrer, il faut, dans le cas où son adversaire s’avancerait à sa rencontre, en venir nécessairement aux mains avec lui ; et s’il met le siége devant une ville, il s’expose d’autant plus à la nécessité de combattre. C’est ce qui est arrivé de nos jours à Charles, duc de Bourgogne : il formait le siége de Morat, ville des Suisses, qui l’attaquèrent et le mirent en déroute ; un pareil désastre accabla l’armée française pendant le siége de Novare, lorsqu’elle fut également défaite par le même peuple.


CHAPITRE XI.


Celui qui a à lutter contre de nombreux adversaires parvient à l’emporter, malgré son infériorité, s’il peut soutenir le premier choc.


La puissance des tribuns du peuple à Rome était extrêmement étendue ; mais, comme nous l’avons dit plusieurs fois, elle était nécessaire. Comment aurait-on pu sans elle mettre un frein à l’ambition des nobles, qui aurait corrompu la république bien longtemps avant le temps où la corruption se glissa dans son sein ? Néanmoins, comme chaque institution renferme en elle--