Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/509

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une démarche très-sage ; une fois la guerre déclarée, elle était honteuse, et elle ne fut même pour eux d’aucun profit. Mais, avant les premiers mouvements de guerre, peu de citoyens dans Venise savaient prévoir les dangers qui menaçaient la république ; trop peu en voyaient le remède, et personne n’était capable de le conseiller.

Pour en revenir à mon sujet, je termine en disant que, comme le sénat romain trouva dans le grand nombre des tribuns un remède à leur ambition, de même tout prince attaqué par de nombreux ennemis triomphera de leurs efforts, toutes les fois qu’il saura employer avec prudence les moyens de semer la désunion parmi eux.


CHAPITRE XII.


Un sage capitaine doit mettre ses soldats dans la nécessité de se battre, et procurer à ses ennemis toutes les occasions d’éviter le combat.


J’ai déjà parlé plusieurs fois de l’utile influence qu’exerce la nécessité sur les actions des hommes, et combien de fois elle les a élevés au comble de la gloire ; j’ai dit que des philosophes moralistes avaient écrit que la langue et la main de l’homme, ces deux plus nobles instruments de sa gloire, et qui ont élevé au degré de grandeur et de perfection où nous les voyons les monuments de la sagesse humaine, n’auraient obtenu que des résultats imparfaits, si elles n’avaient été excitées par la nécessité.

Les capitaines de l’antiquité, convaincus du pouvoir de la nécessité, et combien elle redouble l’ardeur des troupes dans le combat, employaient toutes les ressources de leur génie à placer leurs soldats dans l’obligation