Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/518

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le cœur des ennemis : parmi tous les moyens d’obtenir la victoire, celui-là est un des plus efficaces. On peut citer à ce sujet l’action du dictateur Caïus Sulpitius. Au moment de livrer bataille aux Gaulois, il fit armer tous les valets et les gens inutiles de l’armée, les fit monter sur les mulets et autres bêtes de somme, leur donna des armes et des drapeaux susceptibles de les faire prendre pour de la cavalerie réglée ; il les posta derrière une colline, leur ordonna de se montrer à un signal qu’il leur donnerait lorsque la bataille serait dans toute sa force, et de s’offrir aux yeux de l’ennemi : ce stratagème ainsi réglé, et exécuté comme il l’avait prescrit, inspira une telle épouvante aux Gaulois qu’ils perdirent la bataille.

Ainsi donc un habile capitaine doit faire attention à deux choses : l’une de tâcher, par quelques-unes de ces inventions nouvelles, d’inspirer de la terreur à ses ennemis ; l’autre de se tenir prêt à déjouer tous les stratagèmes que l’ennemi pourrait tenter contre lui, et les rendre inutiles. Telle fut la conduite du roi des Indes envers Sémiramis. Cette reine, remarquant que le roi avait un grand nombre d’éléphants, pour l’épouvanter à son tour et lui montrer qu’elle n’en possédait pas moins que lui, en fit faire un certain nombre avec des peaux de buffle et de vache, les mit sur des chameaux et les envoya ainsi en avant ; mais le roi découvrit la ruse ; et ce stratagème, inutile à Sémiramis, tourna même à son détriment.

Mamercus avait été nommé dictateur contre les Fidénates. Ce peuple, pour jeter l’épouvante dans l’armée romaine, ordonna qu’au plus fort du combat un certain nombre de soldats sortissent de Fidène avec des feux au bout de leurs lances, dans l’espoir que les Romains, étonnés de la nouveauté de ce spectacle, rompraient leurs rangs et fuiraient en désordre.

On doit ici remarquer que plus ces stratagèmes ont