Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/529

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colline qui domine Marradi, l’ennemi abandonna soudain les approches de Castiglione, et se retira dans le bourg. Les deux armées, après être restées quelques jours en présence, commençaient de part et d’autre à souffrir du manque de vivres et des autres objets de première nécessité ; mais, n’osant s’attaquer mutuellement et ignorant les difficultés de leur position respective, elles formèrent une même nuit, l’une et l’autre, le projet de lever leur camp à la pointe du jour, et de battre en retraite, l’armée vénitienne vers Berzighella et Faenza, la florentine sur Casaglia et le Mugello. Au lever du jour chacun des deux camps avait déjà commencé à expédier ses bagages, lorsqu’une femme, partie par hasard du bourg de Marradi, et que rassuraient sa vieillesse et sa pauvreté, se rendit au camp des Florentins pour y chercher quelques-uns de ses parents qu’elle désirait voir, et qui se trouvaient dans ce camp. Les généraux florentins, ayant appris de sa bouche que les Vénitiens levaient leur camp, reprirent courage à cette nouvelle, et changèrent soudain de résolution, comme si c’était eux qui forçassent l’ennemi à abandonner ses campements, marchèrent contre lui, et écrivirent à Florence qu’ils avaient repoussé l’ennemi, et obtenu tous les avantages de la guerre. Cette victoire n’eut d’autre cause que d’avoir appris les premiers que les ennemis s’éloignaient ; et si cette nouvelle eût été portée d’abord dans le camp opposé, elle aurait produit contre nous les mêmes résultats.


CHAPITRE XIX.


Si, pour gouverner la multitude, la clémence a plus de pouvoir que la rigueur.


La république romaine était déchirée par les dissen-