Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/553

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du parti du roi, ils seraient punis soudain, parce que ces mots ne pourraient signifier autre chose, sinon qu’il existerait dans le royaume des ennemis du roi, et que son maître prétendait que toutes les villes soumises à son obéissance lui fussent attachées, et vécussent entre elles unies et sans factions.

Mais cette conduite, et ces principes si éloignés de la vérité, ne prennent leur source que dans la faiblesse de ceux qui gouvernent, et qui, convaincus qu’ils ne peuvent conserver leurs États par la vigueur et le courage, se livrent à cette lâche industrie, qui peut être quelquefois utile dans des jours de calme, mais qui, lorsqu’arrivent l’adversité et les temps difficiles, en découvre soudain toute la vanité.


CHAPITRE XXVIII.


On doit surveiller avec soin les actes des citoyens, parce qu’il arrive souvent que les commencements de la tyrannie se cachent sous une action vertueuse.


Rome se trouvait accablée par la famine, et les approvisionnements publics ne pouvaient la faire cesser : un certain Spurius Melius, possesseur de richesses assez considérables pour ce temps, résolut de faire à ses frais des provisions de blé, et de les distribuer gratuitement au peuple. Cette conduite lui attira à tel point l’affection de toute la population, que le sénat, redoutant les suites qui pourraient résulter d’une telle libéralité, créa, pour en étouffer les dangers avant qu’ils devinssent plus grands, un dictateur uniquement contre Melius, et fit mourir ce dernier.

Cet événement remarquable prouve que bien souvent les actions qui paraissent vertueuses et non susceptibles d’être blâmées avec raison, deviennent funestes, et expo-