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CHAPITRE XXXIII.


Il faut, pour remporter une victoire, que l’armée ait confiance en elle-même et dans son général.


Lorsqu’on veut qu’une armée soit victorieuse, il faut lui inspirer une si grande confiance, qu’elle soit persuadée que rien ne l’empêchera de vaincre. Ce qui lui donne cette assurance, c’est d’être bien armée, bien disciplinée, et composée de troupes qui se connaissent entre elles. Mais cette confiance ou cette discipline ne peut naître que parmi des soldats du même pays, et accoutumés à vivre ensemble.

Il est indispensable que le général jouisse de l’estime, de manière que l’armée se confie en sa prudence ; et toujours elle s’y confiera, si elle le voit ami de la discipline, plein de sollicitude et de courage, soutenant avec dignité la majesté de son rang ; et il la soutiendra sans peine, quand il les punira de leurs délits, sans les fatiguer inutilement ; qu’il tiendra exactement ses promesses ; qu’il leur fera voir que le chemin de la victoire est facile ; qu’il leur cachera les objets qui de loin sembleraient présenter des dangers, et qu’il les atténuera à leurs yeux. Toutes ces conditions, bien observées, sont une des grandes causes de la confiance d’une armée ; et la confiance conduit à la victoire.

Les Romains se servaient du secours de la religion pour inspirer cette confiance à leurs armées ; d’où il résultait que c’était par le moyen des auspices et des aruspices qu’ils procédaient à la nomination des consuls, à la levée des troupes, au partage de l’armée, et qu’ils livraient bataille. Un bon capitaine n’eût jamais tenté la moindre entreprise sans avoir rempli toutes ces formalités, persuadé qu’il aurait échoué sans peine si les