Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/574

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils peuvent, comme les princes, être éclairés par de sages conseils, ils sont bien moins qu’eux exposés à l’erreur. Et tout citoyen qui, dès le principe, voudra obtenir les faveurs du peuple doit, comme Titus Manlius, les mériter par quelque action éclatante.


CHAPITRE XXXV.


Quels sont les périls auxquels s’exposent ceux qui, les premiers, conseillent une résolution quelconque ; dangers d’autant plus grands qu’elle sort davantage des règles ordinaires.


Il serait trop long et trop difficile d’approfondir ici les dangers auxquels on s’expose en se faisant le moteur d’une entreprise nouvelle qui exige le concours d’un grand nombre de personnes ; combien il est difficile de la diriger et de la conduire à sa fin, et, une fois parvenue à ce terme, de l’y maintenir. Tout en me réservant de traiter cette matière dans un moment plus convenable, je parlerai seulement ici des dangers auxquels s’exposent les citoyens, ou les conseillers d’un prince, en mettant les premiers en avant une résolution sérieuse et importante, de manière à en voir retomber sur eux seuls toutes les conséquences. Les hommes, habitués à juger des événements par les résultats, rejettent sur l’auteur du conseil tout le mal qui en est la suite. Il est vrai que s’il réussit il obtient des louanges ; mais cette récompense est bien loin de balancer les suites funestes auxquelles il s’expose.

Le sultan Sélim, qui règne aujourd’hui sur les Turcs, se préparait, à ce que rapportent des voyageurs revenus de ce pays, à tenter la conquête de la Syrie et de l’Égypte ; le pacha qui commandait en son nom sur les frontières de la Perse l’encouragea à marcher contre le sofi. Persuadé par ce conseil, il s’avança à cette