Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/590

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arrêté par aucune considération de justice ou d’injustice, d’humanité ou de cruauté, de gloire ou d’ignominie ; mais, rejetant tout autre parti, ne s’attacher qu’à celui qui le sauve et maintient sa liberté.

Les Français ont toujours imité cette conduite, et dans leurs actions et dans leurs discours, pour défendre la majesté de leurs rois et la puissance de leur royaume : ils ne peuvent entendre dire patiemment que tel parti est ignominieux pour leur roi. Le roi, disent-ils, ne saurait être exposé à la honte, quel que soit le parti qu’il prenne, soit dans la bonne, soit dans la mauvaise fortune, parce que, vainqueur ou vaincu, ses résolutions sont toujours d’un roi.



CHAPITRE XLII.


On ne doit pas tenir les promesses arrachées par la force.


Après l’affront qu’elle avait reçu, l’armée, dépouillée de ses armes, rentra dans Rome avec les consuls. Le premier qui décida dans le sénat que l’on ne devait point observer la paix conclue à Caudium, fut le consul Spurius Posthumius, en disant que ce traité ne liait en rien les Romains ; qu’il n’était obligatoire que pour lui seul et pour tous ceux qui avaient juré la paix ; que, par conséquent, si le peuple voulait s’affranchir de toute obligation, il n’avait qu’à livrer entre les mains des Samnites lui et tous ceux qui avaient pris part à ce traité. Il soutint sa proposition avec tant de vigueur que le sénat l’adopta et envoya le consul et ses compagnons prisonniers à Samnium, où ils déclarèrent aux Samnites que la paix n’était pas valable. La fortune, dans cette circonstance, favorisa tellement Posthumius, que les Samnites le laissèrent partir, et que, de retour à Rome, sa défaite lui acquit plus de gloire aux yeux des Romains