Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/596

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dèrent, par la présence de leur armée, à saisir les armes qu’ils avaient précédemment refusé de prendre.


CHAPITRE XLV.


Quel est le parti le plus avantageux dans une bataille, ou de soutenir le premier choc des ennemis et de les attaquer ensuite, ou de tomber d’abord sur eux avec impétuosité.


Les consuls Decius et Fabius étaient allés avec deux armées romaines à la rencontre de celles des Samnites et des Toscans : ils leur livrèrent bataille en même temps ; et il est nécessaire d’examiner, dans cette opération, quelle est, des deux manières opposées de se conduire, suivies par chaque consul, celle qu’on doit regarder comme la meilleure.

Decius, plein d’impétuosité, se jeta avec toutes ses forces sur l’ennemi ; Fabius se contenta de soutenir le premier choc, persuadé qu’il valait mieux attaquer avec lenteur, et réserver toute sa vigueur pour la fin du combat, quand l’ennemi a perdu sa première chaleur, ou, comme nous le disons, toute sa fougue. L’issue de la bataille prouva que la conduite de Fabius était plus sage que celle de Decius, qui s’épuisa tellement dans sa première attaque, que, voyant son armée près, pour ainsi dire, d’être mise en déroute, et voulant acquérir par son trépas la gloire que la victoire ne pouvait lui donner, il résolut, à l’exemple de son père, de sacrifier sa vie pour le salut des légions romaines. Fabius, ayant appris cette résolution, et ne voulant pas obtenir moins de gloire en vivant, que son collègue n’en avait acquis par sa mort, poussa en avant toutes les forces qu’il avait mises en réserve pour ce moment difficile, et obtint par ce moyen la victoire la plus décisive. On voit par cet