Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/598

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mois d’exercice. Appius refusa de suivre cet exemple, et prétendit qu’il avait le droit de demeurer en charge pendant cinq ans, suivant la loi primitive proclamée par les censeurs. Quoique ce refus donnât lieu à une foule de discussions, et engendrât des troubles sérieux, il n’y eut pas moyen de le faire abdiquer, et il résista à la volonté du peuple et de la majorité du sénat.

Si on lit le discours que prononça contre lui Publius Sempronius, tribun du peuple, on y verra en même temps le tableau de toute l’insolence des Appius, et du respect et de la douceur avec lesquels la foule des citoyens se soumettait aux lois et aux auspices de la patrie.


CHAPITRE XLVII.


Un bon citoyen doit, par amour pour la patrie, oublier ses injures particulières.


Le consul Manlius dirigeait la guerre contre les Samnites, et fut blessé dans le combat qu’il leur livra. Son armée se trouvant, par cet accident, exposée à de grands dangers, le sénat jugea nécessaire d’y envoyer, comme dictateur, Papirius Cursor, afin de suppléer à l’absence forcée du consul. Comme il était indispensable que le dictateur fût nommé par Fabius, qui se trouvait en Toscane avec son armée, et que l’on connaissait son inimitié contre Papirius, les sénateurs, qui craignaient qu’il n’y voulût pas consentir, lui envoyèrent deux députés pour le supplier de déposer tout sentiment de haine particulière et de le nommer pour le salut de l’État. Fabius, touché de l’amour de la patrie, se rendit à cette prière, quoique son silence et plusieurs autres indices témoignassent assez combien cette nomination lui était pénible.

Voilà l’exemple sur lequel devraient se régler tous