Page:A. Belot - Les Stations de l’Amour.djvu/124

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côté, je pensais qu’il n’était pas aussi facile que je l’avais cru d’abord de trouver un galant à même la rue.

Tout à coup Thérèse s’arrêta, prise d’une idée subite : « Voyons, ma chère Cécile, fit-elle, si tu tiens réellement à connaître ce garçon, il y a un moyen bien simple de le retrouver : c’est de demander au patron du café le nom et l’adresse de ses clients de tout à l’heure, il est probable que ce sont des habitués. »

— Que tu es gentille, ma bonne Thérèse, je n’y avais pas songé…

Et nous voici retournant sur nos pas, sans plus penser à l’heure du train.

Ces allées et venues avaient pris un certain temps, et il faisait presque nuit lorsque nous arrivâmes au restaurant. Au moment où Thérèse franchissait la porte, un jeune homme, qui sortait de la maison, me croisa sur la chaussée. À mon grand étonnement je reconnus Adrien.

Il avait changé de costume, mais ses traits étaient gravés si profondément dans ma mémoire que je ne pus réprimer un cri. Il eut de son côté, en me voyant, un mouvement de surprise ; puis il resta immobile, partagé entre le plaisir de me revoir et la crainte de m’aborder. Voyant que je ne lui adressais pas la parole, il allait s’éloigner, quand je l’arrêtai d’un geste. Enhardie par la demi-obscurité, je lui dis d’une voix dont le ton me surprit moi-même : « Monsieur, excusez-moi, je vous prie ; je vais sans doute vous paraître indiscrète, mais il m’a semblé tantôt, pendant que vous étiez avec vos amis, que vous aviez quelque chose à me dire… peut-être me suis-je trompée ?… En ce cas, je vous demande pardon… j’avais cru voir que… enfin, j’espère que vous ne m’en voudrez pas… »

Me voyant ainsi troublée, le jeune homme reprit un peu d’assurance. Il me salua respectueusement et dit : « Vous avez deviné juste, Madame, et si j’avais été seul avec vous,

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