Page:A. Belot - Les Stations de l’Amour.djvu/129

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aucune occasion de se lancer auprès des femmes : « Je n’en ai pas encore rencontré une seule qui me plût réellement, ajouta-t-il, du moins parmi celles qui auraient consenti à se laisser aimer… Quant aux autres (je veux dire les filles de brasserie et les femmes de trottoir), j’ai quelquefois essayé d’aller avec elles, mais elles me dégoûtent tellement qu’au moment de céder je trouve toujours un prétexte pour les lâcher… Mes amis se moquent de moi : ils me disent que je resterai rosière jusqu’au soir de mes noces, comme les demoiselles bien sages. Pour ma part, je trouve qu’ils ne sont pas assez exigeants en fait de maîtresses : ils vont avec n’importe laquelle, changeant de femme tous les mois, se font gruger et tromper, et n’en ont pas pour leur argent… »

— De sorte, interrompit Thérèse, qu’il faut pour vous plaire être honnête d’abord, ensuite rentière, et peut-être duchesse ?…

— Je ne dis pas cela, répondit-il tranquillement, je sais bien que l’on ne peut fréquenter une femme, quelle qu’elle soit, sans que cela coûte… Mais je prétends que le premier bon garçon venu, s’il est aimable et fidèle, vaut cent fois plus que toutes les cocottes de Paris ensemble…

Il parlait d’or cet écolier, et nous nous regardâmes, Thérèse et moi, avec un sourire.

— Vos parents, demandai-je, vous défendent sans doute de faire connaissance avec des demoiselles…

— Maman, oui ; elle est très dévote, m’a fait élever chez les Pères et elle me croirait perdu… Quant à papa, c’est tout le contraire : il dit qu’un garçon de mon âge doit s’amuser un peu, et il s’imagine certainement que j’ai déjà eu pas mal de maîtresses.

— Alors, fis-je tout bas pendant que Thérèse mettait son chapeau, c’est bien vrai, monsieur Bébé, que vous n’avez jamais…

— Non, parole d’honneur, répondit-il d’un ton enjoué…

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