Page:A. Belot - Les Stations de l’Amour.djvu/140

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ensemble des plus agréables.

Je laissai mes lèvres s’égarer sur sa poitrine, son cou, ses épaules, ses cuisses, j’arrivai à son membre et le prenant dans ma main, je pointai une langue frétillante vers la tête rose dont je rabattis le doux capuchon de velours.

À cette caresse imprévue, Adrien fit un brusque mouvement de recul, et sa main tenta de m’écarter ; mais j’avais saisi la tête rebelle entre mes lèvres, et je la retins dans une aspiration passionnée : « Non, non, disait-il, pas vous… je ne veux pas… » Pour toute réponse, je tournai mon fessier de son côté, enjambai sa figure et approchai de sa bouche mon minet entre-bâillé…

— Oh ! le délicieux soixante neuf !… Quel dieu bienfaisant a enseigné aux hommes cette posture gourmande, ce raffinement délicat, cette adorable mignardise d’amour cent fois plus voluptueuse que tous les autres rapprochements sexuels ! Vraiment, les amants qui ne font pas minette à leur maîtresse sont des maladroits et des égoïstes : ils lui laissent ignorer les plaisirs les plus délirants qu’il soit donné à une créature humaine d’éprouver…

Nous nous roulions convulsivement sur le lit, en proie aux égarements d’une véritable fureur érotique…

Combien de fois je me pâmai, durant cette folle étreinte, je ne saurais le dire… mais lorsque, deux heures après, je m’éveillai, j’étais brisée de fatigue, j’avais la tête lourde et je pouvais à peine ouvrir les yeux… Le jeune homme dormait d’un profond sommeil.

Je considérai un instant, dans le demi-jour de l’alcôve, son profil régulier qui se détachait un peu pâle, sur le fond sombre des tentures : je me pris alors à réfléchir aux circonstances qui avaient amené notre rencontre ; un rapide examen de l’état de mon cœur me prouva que le caprice léger que j’avais d’abord ressenti s’était brusquement transformé en un sentiment infiniment plus fort et plus tyran-

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