Page:A. Belot - Les Stations de l’Amour.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vais vous instruire de mes projets. Vous n’avez pas faim ?

— Non, pas encore.

— Bien ; nous luncherons, si vous voulez, dans une heure…

— Laisse-moi t’embrasser, Dora.

— Tout ce que tu voudras, my sweetheart : mais soyons sages ; encore un moment, j’ai quelque chose à te dire : je vais partir.

— Partir ?… pour où ?…

— Pour l’Europe ; mais je t’en prie, laisse-moi parler. Je vais retourner en Angleterre avec mon père, qui y passera six mois en congé, après quoi il prendra sa retraite. Pour moi, j’irai habiter Paris, car j’adore la France, et je m’y fixerai. Je me perfectionnerai dans la peinture et j’aurai pour satisfaire mes goûts, de ravissants petits modèles (auxquels on vous fera goûter, si vous êtes sage, Monsieur), et peut-être de temps en temps un caprice masculin, mais je ne désire à aucun prix le mariage, ni aucune liaison durable qu’avec toi et Cécile, si elle le veut bien… De plus, j’espère bien avoir de toi un enfant, un fils que j’élèverai bien ; tu verras comme je serai bonne mère…

— Et Flora, demandai-je, vous l’abandonnerez ?

— Non, mon ami, vous allez voir. Elle doit, elle aussi, partir dans quelques jour pour Simla avec sa tante, qui est sans fortune. Quant à mon pauvre père, que j’aime malgré tout parce qu’il a été toujours très bon pour moi ; il est en proie à deux passions qui le perdent et qui le tueront…

— Je la regardai d’un œil interrogateur.

— Ne faites donc pas l’étonné ! Il est pédéraste et il boit.

Il boit !…

— Hélas ! oui, depuis quelques mois, il se grise tous les jours, et souvent se couche ivre-mort. Eh bien ! je veux le sauver, ou du moins tout tenter pour cela. Voici ce que je compte faire : je l’accompagne en Angleterre ; j’y reste

— 147 —