Page:A. Belot - Les Stations de l’Amour.djvu/165

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s’est bien vite rendu compte que l’Américain qui a passé huit jours avec nous, qui a partagé notre couche, n’est pas du tout le Gérard qu’elle avait cru connaître et qu’à l’entendre elle aimait presque à l’égal de son Léo. Élevé avec lui, vous l’avez aimé dès son enfance ; votre adolescence s’est épanouie en même temps que la sienne, vous l’avez toujours considéré comme un frère plus jeune, sans vous apercevoir des profondes dissemblances qui existaient entre vous.

Cécile, elle, jeune mariée, se trouvant pourvue de deux maris dont elle semble être également aimée, qu’elle aime de son côté avec toute l’ardeur des sensations qu’on lui révélait chaque jour. Cécile, dis-je, a vécu pendant trois mois une double lune de miel avec deux hommes qui se la partageaient sans la moindre jalousie. Elle a fait, pendant trois mois, une longue partie fine à trois, et la chère s’est figurée que ses deux amis resteraient toujours identiques à eux-mêmes et tels qu’elle les connaissait alors. Mais tandis qu’elle conservait l’un et qu’elle appréciait chaque jour davantage sa hauteur d’intelligence, sa noblesse de caractère, qu’elle trouvait sans cesse en lui une nouvelle vigueur, des désirs plus vivaces, des caresses qu’elle ignorait la veille, l’autre disparaissait…

Je ne voudrais pas cependant le noircir à vos yeux, car il a des qualités solides, mais qui ne sont pas celles que nous lui demandions. Nous n’avons trouvé en lui ni ces caresses qui sont comme le parfum de la sensualité, ni cet abandon de tout l’être, si doux pour une femme et si apprécié d’elle, ni même cette vigueur de mâle qui fait éprouver d’inexprimables délices à une femme vraiment passionnée. Laissons-le à son business, et qu’il devienne milliardaire s’il le veut : il ne connaîtra jamais le bonheur d’aimer et d’être aimé.

La volupté vous a conservés l’un et l’autre jeunes, amou-

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