Page:A. Belot - Les Stations de l’Amour.djvu/8

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Simpson, surintendant général des travaux publics, homme fort distingué, un peu froid, avec lequel j’ai dû me mettre en relations pour mes travaux, et qui m’a ouvert sa maison, montée sur un très grand pied, comme du reste celle des grands fonctionnaires du pays. Sir D. Simpson est veuf ; il a une fille unique, miss Dora, grande et belle rousse de vingt à vingt-deux ans, un peu fière, d’aspect dédaigneux, mais assez libre d’allures et parlant le français comme toi et moi. Voilà une Galathée dont j’aimerais à être le Pygmalion ! Mais, attends la suite…

Avant-hier, je suis allé à un grand bal chez lord Railey, le lieutenant-gouverneur du Bengale, qui recevait à son tour, après le vice-roi, tous les princes indigènes, maharajahs, rajahs, nawabs, khans, etc., lesquels viennent chaque année, à cette époque, offrir au représentant de la reine l’hommage de leur vassalité, Je réserve pour le temps où nous serons réunis, ma chère amie, la description des splendeurs de ces fêtes, dont nous n’avons aucune idée dans notre étroite Europe, c’est un éblouissement de couronnes, d’armes, pierreries, au milieu desquelles circulent à leur aise et avec une superbe indifférence les jolies (et même les laides) Anglaises.

Après les présentations officielles et quelques danses préliminaires, on descendit dans les jardins, merveilleusement illuminés (les Indiens y excellent) pour souper. Sous une vaste tente était dressée une table centrale d’une vingtaine de couverts : les princes hindous (brahmaniques et musulmans) assistent aux festins des Européens, mais n’y participent pas ; puis, disséminées, de nombreuses tables destinées aux invités et disposées pour quatre, cinq, et jusqu’à six couverts. On y prend place à sa guise, sans même se préoccuper de la personne avec qui l’on est venu, et qui souvent vous lâche à l’entrée de la salle pour peu qu’elle trouve une figure de connaissance avec qui elle pré-

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