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LA BELLE ALSACIENNE


d’un coup la nature du présent qu’on m’avait fait. On avait substitué à la place du vin d’Avenay ou d’Aï une boisson maudite, dont pour mes péchés l’usage m’était devenu familier depuis quelques jours.

Que vous dirais-je enfin, chers lecteurs ? c’était de l’eau de douleur de Cythère, breuvage de pénitence, dont on punit les excès de l’Amour, lorsqu’il arrive à ce dieu imprudent d’être condamné aux rigueurs d’une quarantaine involontaire, pour lui apprendre une autre fois à tenir une conduite plus mesurée.

On fit là-dessus les plus mauvaises plaisanteries ; les malignes consolations qu’on me donna sur cet accident me désespérèrent. Je me levai de table, furieuse de ce contretemps ; je me retirai dans mon cabinet, pour y déplorer avec plus de liberté le motif de ma désolation. Mon ressentiment contre le marquis était au delà de toute expression. Je le regardai dans ce moment comme un monstre d’ingratitude, indigne de ma tendresse et que je ne voulais jamais revoir.