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LA BELLE ALSACIENNE


l’amour-propre me décida. Je me trouvai flattée de pouvoir représenter publiquement avec quelque sorte de dignité. C’était d’ailleurs un coup d’État : en occupant cette place, j’acquérais le même droit à toutes mes semblables. L’intérêt du corps voulait donc que j’en prisse possession.

J’entre avec cette noble hardiesse que les ignorants traitent d’impudence. Je jette quelques regards nonchalants dans les loges voisines, j’honore le parterre d’un air méprisant, tel que doit l’avoir une divinité pour de faibles mortels. Je m’assieds, je prends une attitude ; je fus fâchée dans le moment de n’avoir pas apporté un panier à ouvrage, sentant combien j’aurais relevé la majesté de ma contenance en m’occupant à faire des nœuds. J’y supplée en marquant la mesure par de légères inclinations de tête alliées au mouvement d’une de mes mains.

Tandis qu’occupée de la noblesse de mon maintien, j’essayais de me donner les grands airs que m’avait appris l’usage du monde, le parterre, dont j’avais excité l’at-